L'histoire du Dorat

Les Origines du Dorat : l'Oratoire, Scotorium et le Chapitre

          Selon la tradition orale, l'histoire du Dorat commence lorsqu'un village de cabanes gauloises se forme dans la partie basse qu'arrose le ruisseau du courtoison.
          A la fin du Vem siècle, Clovis, triomphant, y vient après sa victoire de Vouillé sur les Wisigoths et, pour remercier Dieu, y fonde un oratoire en l'honneur de la Croix du Sauveur et du Bienheureux Pierre.
          Mais, plus vraisemblablement, l'origine de la ville semble remonter au VIIIem siècle, à l'époque où une mission de moines écossais, régis par la règle de Saint Colomban, vient fonder en Gaulle des oratoires dédiés à Saint Pierre. D'où l'origine du premier nom connu de la ville, Scotorium, littéralement l'oratoire en écossais.
         Quelle que soit la date de sa fondation, sous la sauvegarde de cet oratoire, le village devient peu à peu une petite ville. Tandis que la nouvelle ville contemplatifs et esprits distingués que rebutent la brutalité et la cruauté des guerres, des familles de colons, d'artisans et de marchands fuyant eux aussi l'insécurité du siècle, viennent travailler en paix.
         Au début du IXem siècle, sous le patronage du roi Carolingien Louis le Débonnaire, les religieux adoptent la règle de Saint Benoît, moins rude que celle de Colomban. C'est le renouveau de la vie monastique et de la prospérité matérielle.
         Mais, dans le même siècle, une calamité s'abat sur le pays, la fureur normande. En 866, l'abbaye et la ville sont pillées et incendiées par les barbares, et la population doit chercher son salut dans les bois, dans les souterrains et dans les cavernes creusées au pied du coteau.
         La désolation de l'église dure plus d'un siècle. Vers 950, les religieux construisnet une église dédiée à Saint Michel. Cette date est attestée par la découverte, dans les fondations de cette église, de huit pièces de monnaie d'argent de rois anglo-saxons, dont la plus récente est du roi Edred (946-955)
         Ce n'est qu'en 987, par une charte, que Boson le Vieux (premier comte de la Marche Limousine) décide de fonder une chapelle Saint Pierre et un chapitre de chanoines de Saint Augustin avec ses privilèges, ses dignités, le droit d'élire son abbé et sa pleine juridiction. La nouvelle église dédiée à Saint Pierre commence un an avant la mort d'Israël; en 1013.
         Mais peu après la consécration du maître-autel, l'église est incendiée pendant un été caniculaire, avec plusieurs maison du Dorat, vers 1060 par Etienne le Mutin, baron de Magnac, en guerre avec le comte de la Marche, Aldebert I. Il ne reste debout que les murs.
         La reconstruction immédiate de l'église, grâce aux libéralités du comte de la Marche et aux pénitences du comte de Magnac, constitua le point de départ de l'église actuelle, dite collégiale, du nom du collège de chanoines.
         50 ans plus tard, en 1130, les travaux de la collégiale étaient assez avancés pour permettre aux chanoines de placer les tombeaux des saints sous le sanctuaire, dans l'église souterraine : la crypte.
         La construction est plusieurs fois interrompue pendant les guerres privées qui désolent la province. L'église, bâtie lentement, en plusieurs campagnes, acheve de s'édifier durant la seconde moitié du XIIem siècle, vers 1170.
         Au Xem siècle, dès l'époque de Boson le Vieux et des premiers comtes de la Marche, le Dorat est doté d'un château. Il est situé au point le plus élevé de la ville de l'époque, entre le carrefour du Puits-Chastonnier (le puit du château) et la place du marché (devenue place Charles de Gaulle).
         Dès l'achèvement de la collégiale, l'ancien château est détruit, mais la nouvelle agglomération ne tarde pas à avoir son château-fort. C'est le comte Aldebert IV qui le fait élever, vers 1173, pour lui et pour se défendre contre les entreprises belliqueuses des comtes Lusignan du Poitou. Il se dresse de façon imposante au sommet de la colline, hors de la ville au nord-ouest, ceinturé de 12 grosses tours et d'un double fossé creusé dans le roc.
         S'en suit une longue coexistence pacifique de près de deux siècles, entrecoupée de queleus querelles intermittentes entre le château et le chapître.
         Mais au début de la guerre de Cent Ans, en août 1356, l'armée du Prince Noir attaque le château, endommage la basse ville et s'empare de la vielle entière. Il est repoussé par l'armée du Roi de France Charles V en 1370.
         Pour se mettre à l'abri de nouvelles invasions anglaises, l'abbé du Dorat, Guillaume l'Hermine, entreprend de 1420 à 1431 la construction de fortifications tout autour de la ville. Ce qui aboutit à un mur d'enceinte de près d'un kilomètre, garni de 20 tours et de quatre portes, baignant dans un fossé profond. Ces murailles, avec quatre tours et la Porte Bergère subsitent à l'ouest. Les fossés du nord et de l'est sont encore très visibles. l'église Saint Michel et la Collégiale Saint Pierre sont inclusent dans les fortifications. Une tour de défense, la tour Notre Dame, est même construite sur l'abside centrale du chevet de la Collégiale.
         Pendant tout le XVem siècle, l'Eglise demeure la souveraine incontestée de la ville. Le chapître est reconnnu par les rois successifs.
         Mais pendant ce temps-là, le château, presque abandonné, se délabre.
         Cependant, à partir de 1530, la monarchie devient absolue et le chapître se voit perdre son pouvoir judiciaire. La sénéchaussée de la Marche, fixée à Guéret par François Ier se scinde en deux. Une sénéchaussée de la Basse Marche est établie par un édit du roi Charles IX du 1er janvier 1562 au Dorat, et est désigné comme chef-lieu judiciare, et capitale de la Basse Marche. Bellac se prétend dépossédé au profit du Dorat, d'où le début de la rivalité entre les deux villes. La procédure traîne dix ans avant que le roi ne tranche pour n'accorder qu'un siège secondaire à Bellac.
         Ainsi, en 1572, le prétoire de la sénéchaussée du Dorat est installé dans l'ancienne église Saint Michel. Cette église se trouve à l'emplacement actuel du parloir du Carmel, et la petite place par laquelle on y accède est désignée jusqu'à la Révolution sous le nom de place du Palais.
         Pour administrer la justice du roi, il ne faut pas moins d'un lieutenant-général, un lieutenant particulier, un lieutenant criminel, un assesseur, cinq conseillers, un procureur avocat du roi et onze avocats procureurs, sans compter avocats, greffiersn huissiers et sergents. les deux lieutenant-général les plus célèbres sont de la Pouge, le premier à être nommé à la tête de la sénéchaussée de 1572 à 1578. Et Pierre Robert, de 1615 à 1658, un des esprits les plus curieux et entendus du Limousin. Parmis les avocats célèbres du Dorat on retrouve du Chalard, Fontréaux, La Josnière et Joseph Boucheul.
         Parallèlement, les guerres de religion n'épargnent pas Le Dorat. Elle est l'une des premières villes limousines où s'installe une communauté protestante. En 1538, Calvin, séjournant à Poitiers, envoie en Basse Marche un de ses ministres, André Lefebvre, pour prêcher la doctrine évangélique. Celui-ci se fixe au Dorat où les évangéliques deviennent assez nombreux (environ un tiers de la population) pour pouver célébrer leur publiquement leur culte autour du château, et ce en moins de 20 ans.
         En 1567, un corps de 2000 partisans huguenots, commandés par Saint-Cyr, s'empare de la ville et la saccage durant quatre jours. Les catholiques sont rançonnés, leurs maisons pillées et l'on fait prêcher l'hérésie dans la Collégiale, dévastée et pillé de son trésor. Seule une croix reliquaire du XIIIem siècle, que l'on peut encore voir dans la sacristie, est sauvée. Deux ans après, l'armée de Coligny, traversant le pays pour assiéger Poitiers, impose à la ville une forte rançon qui la préserve de nouveaux pillages.
         Le 5 mai 1589, une armée de 4000 hommes, envoyée par le roi Henri III et commandée par le duc de Montpensier, reprend, après quelques coups de canons, le château du Dorat occupé depuis plusieurs années par les Ligueurs du Vicomte de la Guerche. Montpensier accorde aussitôt aux Dorachons la permission de raser cette forteresse, dont la présence est pour eux la cause de continuels tracas.
        Un jardin anglais recouvre aujourd'hui les derniers vestiges du château des Comtes de la Marche. Un cèdre, arbre de liberté, est planté en 1848 sur le tumulus où sont ensevelis quatre siècles d'histoires guerrières. A ses pieds se trouve le Champs de Foire, ombragé d'ormeaux centenaires, occupé régulièrement le 13 du mois, en vertue d'une ordonnance du roi Louis XI.